C'est ça, un ordre militaire?!

Une soirée ensoleillée, sur la terrasse d'une auberge, dans un Quartier d'Hurlevent. L'elfe au teint blafard n'avait aucune idée du nom de l'établissement, ou même du Quartier, et elle s'en moquait bien, ce qui lui avait plus dans l'endroit, c'était sa relative solitude.

Elle était... Elle est une mercenaire. Engagée il y a quelques semaines pour veiller sur un colis aussi vivant que précieux pour son employeur. Du haut de ses deux mètres dix, avec son teint blafard, ses yeux gelés et la sensation de froid lorsqu'on l'approche de trop près, le doute ne plane pas quant à sa nature: elle est morte, pour mieux se relever, pour devenir une machine à tuer, un être imperturbable, aux pouvoirs contre nature, mais terriblement efficaces. Elle comptait parmi les meilleurs, là-bas, dans les Maleterres. Aujourd'hui encore, elle est redoutée. La pitié? L'empathie? Les sentiments, simplment? Elle ne connaît pas, elle ne connaît plus. Du moins, c'est ce qu'elle avait cru...

"Votre ténébreuse Grandeur?"

L'Aubergiste, un petit homme assez vieux et court sur pattes, c'était approché d'elle, tremblotant, tortillant des mains comme s'il s'attendait à être coupé en deux d'un instant à l'autre. Et de fait, les deux épées au côté de l'elfe ne semblaient pas contre cette idée. Celle-ci, toutefois, se contenta de se redresser un peu plus sur sa chaise, puis de tourner son visage, glacé mais cependant toujours aussi harmonieux qu'il le fut jadis, vers l'importun.

"Vous avez déjà été payé, non? Et grassement, je crois. Laissez moi seule."

Ses paroles n'avaient rien d'une requête, elles tenaient de l'ordre, une vague glacée venant, comme pour appuyer ses paroles, frôler le visage du pauvre vieil homme. Celui-ci recula de deux pas, s'affaissant un peu plus, encore plus persuadé que ses paroles seraient les dernières.

"En effet, votre Maléfique Majesté, mais les habitués sont... Comment vous dire... Ils ont peur de vous, voilà! Et c'est mauvais pour les affaires, ça. Très mauvais! Vous m'en voyez désolé hein, c'est pas contre vous, d'autant que je vous aime bien, mais si vous vouliez bien aller dans une autre auberge... Euh... Ma Dame?

Cela faisait un moment déjà que l'elfe s'était relevée, plissant les yeux sous le soleil. Elle n'aimait pas la lumière, encore moins depuis qu'elle était revenue d'entre les morts. Cela la mettait de mauvaise humeur, et les badauds qui s'étaient rendus compte de sa présence et s'arrêtaient pour la fixer n'aidaient pas, si bien que si elle s'était trouvé à un autre endroit, à un autre moment, elle aurait volontiers étripé tout ce beau monde, juste pour se calmer.

Mais tout avait changé en elle. Tout d'abord, elle avait été extirpée de l'influence du Roi Liche. Cela n'avait pas changé grand chose, infliger douleurs et souffrances était dans sa nature désormais, comme dans celle de ses frères et soeurs. Puis étaient revenus les souvenirs, petit-à-petit. Elle avait repris conscience de ce qu'elle était avant. Elle avait appris à se contrôler, avait même repris ses anciennes activités de mercenariat, mais elle n'était plus la même.

Elle était devenue vide, gelée à l'intérieur. Bien sûr, elle n'avait jamais été tendre, malgré un visage angélique, et faisait rarement preuve de pitié envers ses cibles, cependant, de son vivant, elle gardait une certaine morale, une ligne de conduite. Elle ne le faisait plus, à présent. Elle avait tué, sans aucun remord, des femmes, des enfants, des vieillards, et elle aurait pu tuer celui qui se tenait, tremblant, presque à genoux devant elle. Elle aurait pu, si elle ne s'était retrouvée entre les murs d'une Cité emplie de gardes, si elle n'avait pas un contrat à honorer, et si ce contrat ne se trouvait pas être la seule personne qui avait pu la troubler, lui faire perdre le contrôle, depuis les 20 dernières années.

"Vas au diable, toi et ton auberge." Elle pointa un doigt sur l'aubergiste, qui s'affaissa encore plus, murmurant sans doutes des ultimes prières.

"Je ne recommanderai pas ton Auberge à mes semblables, et ne croit pas que je te fournirai plus que l'acompte que tu as déjà reçu. J'ai des affaires urgentes à régler, estimes toi heureux que je ne te réduise pas en un tas de chairs informes."

N'ayant pas d'autres bagages que son armure et ses lames, l'elfe monta sur son cheval, attaché non loin de là, dans l'ombre, et jeta un dernier regard à l'aubergiste, qui semblait avoir compris qu'il ne mourrait pas aujourd'hui. Curieusement, elle lui sourit. C'était le premier homme qui l'avait traitée avec respect depuis son arrivée ici, même s'il l'avait fait par crainte. Et puis, toutes ses façons de l'appeler par des titres aussi noirs que ronflants l'avaient amusée, et elle ne s'était plus amusée depuis très longtemps. Aussi elle lui lança une dernière salutation:

"Souffre bien, aubergiste. Et rappelle toi aux bons souvenirs de Valenye Hantenuit, si un jour tu avais un rival à faire disparaître. Je te ferai un prix... Peut-être."

N'attendant aucune réponses, elle lança son palefroi à toute allure vers les quais du Port, pour arriver devant un navire, à la proue ô combien de mauvais goût.

*Cet idiot aurait pu choisir un autre endroit.*

La sombre Cavalière devait rejoindre l'Ordre qui vivait sur ce rafiot, à tout prix. Pourquoi? C'était dans son contrat. Du moins, c'était la raison qu'elle se donnait à elle-même, elle savait au fond d'elle qu'elle avait besoin d'être près de lui, de comprendre ce qui lui arrivait. Toutefois, l'endroit qu'il avait choisi n'était pas pour lui plaire. Elle s'était renseignée, et l'Ordre rejoint par son colis ne lui plaisait pas, parce qu'elle aurait certainement à paraître convenable, sociale, toutes ces futilités. Elle aurait mille fois préféré que l'idiot rejoigne un Ordre avec moins... De cohésion, où elle aurait pu rester seule, dans l'ombre, à guetter. Mais l'Elfe n'avait pas le choix, aussi descendit-elle de sa monture, pour se diriger d'un pas aussi décidé que menaçant vers un gamin roux et bouclé en faction, qui grelotait déjà que ce soit par peur ou par le froid engendré par la Dame. Celle-ci lui jeta un regard glacial, et articula, avec lenteur:

"Je veux parler à un responsable. Le plus vite possible."

Inconsciemment, sa main droite s'était posée sur une de ses lames, donnant une image plus agressive d'elle-même, si tant est que ce fut possible.

Le druide lisait tranquillement sur le pont supérieur lorsqu'il vit la runique arriver. Il poussa un grognement -dont il était de plus en plus habitué ces jours-ci- et se dirigea vers les escaliers. Il marchait d'un pas lourd et lent. frottant son bâton sur le sol. Il rejoignit l'elfe et la fixa un moment puis croisa les bras. Sa voix était rauque , sinistre...

"Je peut vous être utile en quoi que ce soit "

Le loup à l'allure désormais inquiétante depuis quelques jours ne semblait décidémment pas d'humeur.

L'Elfe avait littéralement terrorisé le petit garde du Navire, qui s'était contenté, livide, de la fixer sans prononcer un mot. Agacée, elle tapotait le manche de sa lame droite du bout des doigts, rendant sa posture encore plus... Agressive. Apparut alors un de ces hommes loups, de ceux qui étaient apparus un peu partout après le Cataclysme.

A ses yeux, ils n'étaient que de la vermine, incapables de se contrôler, et parfois dotés d'une schizophrénie limitée des plus agaçantes. Au mieux, ils étaient une nouvelle forme de revenus pour elle, leurs ennemis étant aussi nombreux dans l'Alliance que dans la Horde. Et devoir "sympathiser" avec certains d'entre eux n'était pas pour lui plaire, pas le moins du monde. Valenye n'aimait pas avoir à se battre avec des éléments imprévisibles à ses côtés, encore moins les côtoyer, de quelque façon que ce soit.

Celui-là était habillé, ce qui semblait déjà prouver une forme de civilisation de sa part. Il ne semblait pas particulièrement amical, il avait même l'air agressif à son égard. Un combat en perspective? Peut-être. L'Elfe resserra son emprise sur sa lame, la seule chose a qui elle faisait une totale confiance en ce bas monde. Le petit garde, dont les seules couleurs étaient à présent celles de ses cheveux, profita de l'arrivée du nouveau venu pour partir sans demander son reste.

Traînant son bâton, l'homme loup lui demanda, sans aucune sympathie, même si la politesse était apparemment de rigueur, si il pouvait lui être utile. Réprimant son envie de lui avouer qu'il ferait une magnifique descente de lit, la Sombre Guerrière, sans lâcher son emprise sur son épée, se contenta d'acquiescer, fixant droit dans les yeux son interlocuteur, de son regard gelé, comme pour lui dire: "Fais attention, moi aussi je peux mordre, moi aussi je peux griffer, et mon métal est mille fois plus acéré que tes griffes."

Préférant toutefois taire ces menaces, elle se contenta d'ajouter, sur un ton glacial, sans aucune émotion:

"Je suis bien devant le Navire de la Légion Azur?"

*Un nom mal choisi, d'ailleurs, ce que j'ai vu les concernant me fait plus penser à un ramassis de bras cassés qu'à une Légion, ils devraient s'appeler "L'Armée du Salut Azur", plutôt.*

Sa dernière pensée la fit sourire, faisant croire, qui sait, à de la sympathie? N'attendant pas de réponse, l'Elfe enchaîna, sur le même ton:

"Je me nomme Valenye Hantenuit, de la Lame d'Ebène. Je me présente ici afin d'être intégrée à vos rangs. Aussi je veux parler à un responsable."

Le druide froncait les sourcils et observait l'armure de l'elfe..

Hm , cela peut se faire mais ne tentez rien , je ne vous cache pas que je me méfit de vous.....Déposez vos armes la , je ne veut pas vous voir à bord avec....."

Le druide tendit son bras à sa droite , signalant à la runique qu'elle pouvait passer.

"Je vais voir si je peut trouver un Cardinal..restez là."

L'Elfe regarda le druide de haut en bas, comme s'il venait d'énoncer un fait complètement hors de propos. Elle, lâcher ses lames? Et pourquoi ne pas lui demander de se lier les mains et les pieds, et de se jeter en pature devant la Cathédrale de la Lumière, tant qu'on y était? Aussi fit-elle claquer sa langue, marquant son désaccord, et même son profond agacement d'avoir à devoir répondre à une telle demande.

"Dites-moi, Worgen, vous demanderait-on de vous couper les griffes pour entrer quelque part? Mes lames sont une partie de moi-même, et elles sont certainement plus vivantes que vos ongles. De plus, elles sont un cadeau de Darion Mograine en personne, et je ne le déshonorerai pas, lui ou moi, en les abandonnant comme de vulgaires épées émoussées."

Elle le fixa du regard, on aurait pu y lire du défi, si elle avait encore éprouvé ce genre de sentiments, mais la vérité était qu'elle ne faisait que les simuler, pour donner de la contenance à ses propos. Elle aurait paru bien moins à craindre, si elle devait simplement répondre "Non", sans la moindre provocation. Elle continua cependant son raisonnement:

"Vous vous méfiez, c'est très bien. Mais vous sentez-vous à ce point inférieur que pour vouloir me voir désarmée? Dans un cas comme dans l'autre, votre demande est futile. Si vous vous croyez capable de me vaincre, me prendre mes lames est une perte de temps. Dans le cas inverse, vous n'avez aucun moyen de me les prendre. Aussi je vous demanderai de me laisser passer avec mes lames, je suis prête toutefois à vous faire la promesse formelle que je ne tuerai personne."

Tout à fait le genre de promesses qu'elle détestait. Non pas qu'elle se sentirait obligée de la tenir, bien sûr, mais plutôt que cela pouvait faire croire aux autres qu'elle était comme eux, manipulable, contrôlable. Et elle détestait qu'on la croie, même de façon minime, comme les autres.

Le worgen fronca les sourcils et lacha un petit grognement avant de secouer la tête. Elle avait en partit raison et il venait de s'en rendre compte. Etait-ce là une une ruse ? A vrai dire il ne le savait pas vraiment. Le druide grogna de nouveau mais semblait se détendre...

"Suivez-moi Elfe , Mais faites bien attention à vous , je vous ai à l'oeil , c'est compris ? Tentez quoi que ce soit et je me ferais un plaisir de me charger de vous...."

*Gaedian grogna , une énième fois et se rendit dans la Salle Commune , regardant de temps à autres l'elfe qui le suivait...

Imitant à la perfection un sourire, que l'observateur prendra toutefois comme un rictus cruel plutôt que comme un signe d'approbation, la Guerrière Noire s'avança sur le navire, et suivit le chien bipède dans ce qui semblait être une salle commune. Elle réprima son envie de claquer sa langue, et de lancer un commentaire acerbe sur l'agencement des lieux.

En effet, ce qui semblait être un bureau cohabitait avec des tables de cuisine, avec des victuailles, des tonneaux de boissons, le tout dans un désordre ambiant pour le moins... Pitoyable. Elle ne trouvait pas d'autres mots que celui-là pour qualifier ce qui se dévoilait sous ses yeux. Jamais, pas même chez les Nains, pourtant réputés pour leur manque d'ordre et de manière, elle n'avait vu une cuisine cotoyer un bureau. Jetant toutefois son regard dans tout les coins de la pièce, cherchant, juste au cas où, les traces d'un piège tendu par le Worgen, bien qu'elle doutait qu'un animal qui n'avait fait que grogner depuis qu'elle l'avait vu puisse tenter quoi que ce soit contre les lames pendant à ses côtés.

"Cet endroit est une cuisine, un bureau, ou les deux? Peut-être avez vous inventé un nouveau concept, et donc une nouvelle appellation? C'est pour pouvoir manger et travailler sans bouger?"

Elle marqua un temps d'arrêt, se demandant pourquoi elle avait fait cette remarque. L'Elfe décida d'éluder, prenant au plus pressé, elle ajouta, avec une voix presque menaçante, toujours plus froide qu'une nuit d'hiver:

"Et donc, cet officier recruteur? Ce n'est pas que votre compagnie est désagréable mais..."

La guerrière ne termina pas sa phrase, gardant son sourire menaçant aux lèvres, comme une invitation pour le Worgen à tenter de lui sauter au visage. Elle aimerait ça, c'était certain, mais savoir qu'il était certainement lié par un quelconque règlement, et que donc il ne pourrait pas l'attaquer sans une vraie raison, qu'il devait lutter contre ses instincts de bête, cela alimentait sa satisfaction du moment. Quitte à s'attacher temporairement à une bande de bras cassés, autant profiter un peu...